Ce désir d'être autre n'est pas sans rapport avec l'envie de danser, celle que déclenche l'intro de Billie Jean. La recherche d'un état particulier qui transforme la personnalité par le corps. À travers l'individualité de deux interprètes d'aujourd'hui, l’un danseur virtuose l’autre performeuse déjantée, invités pour leurs différences, leur immense talent et leur personnalité aigüe, qui portent leur propre histoire et celle de la fin du 20ème siècle, il y aura la recherche d'une danse polymorphe équivoque. Un duo tourmenté et jouissif à la fois, à l'image de la dualité complexe qui émane de Billie Jean.
La proposition est construite sur une version étendue du titre original dont l'introduction sera étirée en un interminable warm-up : Ce qui me donne envie de danser !
(Une recherche spécifique est initiée avec le musicien Pierre Avia pour produire une création musicale qui respecte le groove reconnaissable et irrésistible de l’intro originale, à travers une digression qui porte les matières sonores de la révolution numérique.)
Nous parlons de l'excitation qui aveugle la conscience et pousse l'être à sortir de soi jusqu'aux limites de la sociabilité parfois et pourtant qui, dans un même temps, rapproche les êtres dans un élan commun vital. Le désir de danse qui projette le corps dans un espace « autorisé » de plaisir, ouvert à l'égo, où le « je » devient un autre soi qui contient de multiples histoires et influences, de l'intime au global.
Nous visons une danse hors norme qui hybride d'une manière empirique danse de club et abstraction chorégraphique, intériorité et défoulement, et qui ne saurait se ranger dans une catégorie si ce n'est dans celle de la danse comme art plastique. Le travail d'écriture sera l’émanation de l'expérience des deux interprètes choisis, les gestes et les matières qui leur sont propres. Mon travail d’artiste est de les guider, d’organiser un dispositif qui fait surgir leur propres propositions de geste, de les transformer en image scénique, trouver une corrélation plastique entre leur énergie, l’invention de la danse et son déploiement dans l’espace.
La relation avec le corps de ballet se fera dans cette logique. Un groupe qui fait corps mais où chacun existe par son individualité. Peut-être un ensemble de duos. Il y aura une dimension différente, celle du collectif, à travers la multiplication des identités et des hypothèses dans un geste commun avec les conséquences formelles que cela produit.
Les pistes de recherche :
- Le trajet de la danse Soul et R'nB depuis Billie Jean, son évolution à travers la mutation des médias de diffusion et l'arrivée de la danse en réseaux jusqu'à la danse post-internet à travers les ressources propres aux deux interprètes.
- Une exploration de gestes codés, hyper sexués et genrés et leurs contraires. Ce qui a été fait et défait dans l'histoire des corps. Les danseurs chercheront des phénomènes chorégraphiques qui intègrent leur propre histoire et leur expérience de danse contemporaine, de performance, de théâtre et aussi leurs désirs personnels.
- La construction d'un continuum basé sur cette intro dilatée à l'extrême (30 minutes), tout en gardant le tempo originel (le « poom-tchak » puis l'arrivée de la fameuse basse), qui dilate, en une longue montée du désir, attente sur-motivée pour le spectateur, ce temps de positionnement physique qui produira une danse que nous voulons inédite. Le projet est ouvert à la parole et à l’improvisation.
Billie Jean aura 40 ans en 2022, ce sera aussi un prétexte pour partir à la recherche du véritable personnage éponyme, une jeune femme à l'époque, évoquée dans les paroles de la chanson. Un texte qui reste à ce jour toujours aussi mystérieux.
So take my strong advice, just remember to always think twice

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