César Vayssié
Spectacles
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Le terme « gâcher » signifie « faire échouer une action, un projet, en compromettre le résultat, l'issue, la qualité ». Comment l'entendez-vous l'un et l'autre ?

César Vayssié : Le titre correspond au caractère « à prise rapide » que nous aimons mettre en place, et contient un peu l'esprit ludique qui oriente notre collaboration.

Boris Charmatz : Pour moi, le caractère « gâché » tient à Marion Barbeau elle-même : elle était Première Danseuse du Ballet de l'Opéra de Paris. Elle a été formée pour les grandes scènes de Bastille et Garnier, et elle se retrouve à danser avec une cagoule au milieu de l'herbe, assaillie par des hannetons. C'est de l'herbe, mais ce n'est pas une pelouse de golf - c'est tout sauf confortable. Alors bien sur, « gâché » est employé ici dans un sens poétique. Ce qui m'intéresse là-dedans, c'est : « jusqu'où un matériau chorégraphique résiste à ce qu'on lui fait subir ? » La poussière, le bruit, l'environnement urbain : il s'agit de soumettre la danse à des conditions qui ne lui sont pas forcément favorables.

César Vayssié : On retrouve le même processus avec les danseurs et danseuses de Levée, dansant sur ce terril - dans une tempête de vent qui va « gâcher » leur danse. Mais c’est « bien gâché », ou pour paraphraser Beckett: « gâcher mieux encore ».

Dans un film comme dans l'autre, c’est l'expérience perceptive qui est mise en avant. Au Centre Pompidou-Metz va être présentée une installation formée de 2 films, mais également d'un texte. Comment s'est formulée cette idée d'installation ? Et quelle place y joue le texte Le chaos et le brouillon ?

Boris Charmatz : Les deux films (tournés à neuf ans d'écart) fonctionnent selon un jeu de contraires qu'il nous a paru intéressant de mettre en perspective : la solitude et la multitude. La nuit et le jour. Le silence et la musique. On a ensuite proposé d'élargir le propos en ajoutant le texte Le chaos et le brouillon, que je venais d'écrire pour La Nouvelle Revue Française. J'avais envie de poursuivre la réflexion ouverte par ce texte, de lui donner une autre matérialité dans l'espace d'exposition. Il s'agit d'un texte très personnel - moi face à la page blanche. J'ai donc choisi de l'écrire sur un mur, de manière très brute, avec mon écriture pas très lisible. Cette notion de « pas très lisible »
donne une piste de lecture: dans Levée, les mouvements ne sont pas très lisibles, ils sont brouillés par la poussière et le vent. Le texte crée un circuit, jouant sur la lisibilité ou l'absence de lisibilité de la danse. L'installation essaie de donner vie à cet espace avec la présence de la musique d'Amandine Bayer et des souffles de Marion Barbeau. Amandine Beyer a fait une partition géniale pour le film : un mélange de plusieurs morceaux enchaînés les uns aux autres. Cette musique va envahir les trois œuvres : les image de Levée, de Marion, et le texte. On pourrait penser que l'exposition est constituée de deux films et d'un texte ; mais en réalité, c'est un souffle et un violon qui viennent se poser sur des mots et des images de danse, qui les contaminent. Et qui contaminent les spectateurs, qui entrent dans leurs têtes.
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